Clauses abusives dans les contrats de franchise : comment les repérer et les négocier ?

Dans un contrat de franchise, l’équilibre entre les droits et obligations du franchiseur et du franchisé est essentiel. Pourtant, dans certains cas, des clauses dites abusives viennent déséquilibrer cette relation, au profit du franchiseur, mettant en péril la viabilité du projet entrepreneurial du franchisé. 

Ces clauses peuvent être illégales ou simplement désavantageuses. Savoir les identifier, les comprendre et les négocier est donc une étape cruciale avant toute signature. 

Les fondements juridiques du contrat de franchise 

Un contrat de franchise est un contrat de droit privé encadré par la liberté contractuelle, mais soumis à certaines obligations spécifiques prévues par la jurisprudence et par le Code de commerce. En France, bien que la franchise ne soit pas encadrée par un statut législatif unique, plusieurs textes encadrent indirectement cette relation : 

  • L’article L330-3 du Code de commerce, qui impose la remise d’un Document d’Information Précontractuel (DIP) au moins 20 jours avant la signature du contrat ou le versement de toute somme. 
  • Le droit commun des contrats (Code civil) qui exige que le contrat respecte un certain équilibre (articles 1102 à 1112-1). 
  • La jurisprudence, qui reconnaît et sanctionne les clauses portant une atteinte disproportionnée aux intérêts d’une des parties, notamment le franchisé. 

Ainsi, pour qu’un contrat de franchise soit licite, il doit reposer sur quatre piliers : 
transparence, équilibre des prestations, liberté d’engagement et absence de déséquilibre significatif

Qu’est-ce qu’une clause abusive en franchise ? 

Une clause est dite abusive lorsqu’elle crée, au détriment du franchisé, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Elle peut : 

  • Être contraire à l’esprit du contrat, 
  • Exclure ou limiter la responsabilité du franchiseur de manière excessive, 
  • Imposer des obligations déséquilibrées ou imprécises au franchisé, 
  • Limiter les droits du franchisé sans justification économique. 

À noter : une clause peut ne pas être illégale en soi, mais être jugée abusive dans le contexte d’un contrat particulier. C’est donc souvent à l’analyse fine du contrat que se révèle l’abus. 

Les clauses régulièrement considérées comme abusives 

Voici une sélection de clauses problématiques, régulièrement dénoncées dans les litiges entre franchisés et franchiseurs, et parfois retoquées par les tribunaux : 

Type de clause Pourquoi elle est abusive 
Clause d’exclusivité territoriale trop vague ou à sens unique Lorsque le franchiseur ne s’engage pas clairement à ne pas implanter d’autres points de vente dans la zone du franchisé, mais que ce dernier est contraint de ne pas sortir de sa zone, le déséquilibre est manifeste. 
Clause de non-concurrence post-contractuelle excessive Elle est abusive si elle dure plus d’un an, s’applique à un territoire trop vaste, ou empêche toute reconversion. 
Clause de résiliation unilatérale sans justification Le franchiseur se réserve parfois le droit de résilier à tout moment sans motif sérieux. Cette clause est généralement considérée comme abusive car elle nie la stabilité contractuelle. 
Clause de renouvellement automatique sans renégociation Elle lie indéfiniment le franchisé sans lui permettre de renégocier les conditions, notamment économiques, du contrat. 
Clause imposant des investissements sans contrepartie Certains contrats exigent des travaux coûteux, des réassorts obligatoires, ou des dépenses marketing sans encadrement ni engagement du franchiseur. 
Clause limitant la responsabilité du franchiseur à l’extrême En cas de défaillance du concept, ou de formation inadaptée, la responsabilité du franchiseur ne peut être systématiquement écartée. 
Clause interdisant toute contestation judiciaire ou limitant le tribunal compétent Par exemple, en imposant une juridiction éloignée du lieu d’exploitation. Cette clause peut porter atteinte au droit d’agir en justice. 

Ces clauses sont d’autant plus problématiques qu’elles sont souvent noyées dans des contrats longs et techniques, que les franchisés n’ont pas toujours les moyens de faire analyser en détail. 

Comment repérer les clauses abusives avant signature ? 

Détecter une clause abusive suppose de lire attentivement chaque disposition du contrat, en analysant les conséquences concrètes qu’elle peut avoir sur votre activité. Voici quelques signaux d’alerte à surveiller : 

  • La clause semble à sens unique, ne créant d’obligations que pour le franchisé. 
  • La clause est floue, utilise des termes vagues comme « raisonnable » ou « sans que cela puisse être contesté ». 
  • La clause crée une obligation financière imprécise ou évolutive, comme un budget publicitaire annuel non plafonné. 
  • Le contrat dans son ensemble laisse peu de marges de manœuvre, voire confisque la liberté entrepreneuriale. 

Pour mieux les repérer, il est fortement recommandé de faire relire le contrat par un avocat spécialisé en droit de la franchise ou un expert-comptable connaissant les spécificités du secteur. Leur expérience leur permettra d’identifier les formulations problématiques et d’évaluer leur impact. 

Peut-on négocier ces clauses avec le franchiseur ? 

Contrairement à une idée reçue, un contrat de franchise n’est pas toujours un contrat « à prendre ou à laisser ». Certains réseaux sont ouverts à la discussion, en particulier lorsqu’ils cherchent à se développer rapidement ou à implanter une nouvelle région. 

Voici quelques leviers pour entamer une négociation : 

  1. Préparer ses arguments avec des exemples précis : en montrant comment la clause crée un déséquilibre réel dans la relation ou empêche une exploitation sereine du point de vente
  1. Proposer des alternatives équilibrées : par exemple, limiter une clause de non-concurrence à un rayon de 10 km et à 12 mois, ou encadrer un budget marketing avec un plafond annuel. 
  1. S’appuyer sur la jurisprudence : certaines décisions des tribunaux ont déjà annulé des clauses similaires. Les évoquer peut faciliter le dialogue. 
  1. Négocier en phase précontractuelle, jamais après signature : une fois le contrat signé, les marges de manœuvre sont très limitées. Tout doit se jouer avant la conclusion du contrat. 
  1. Faire appel à un conseil juridique lors de la négociation : un avocat en droit de la distribution peut rédiger des amendements et vous accompagner dans l’échange avec le franchiseur. 

Attention : tous les franchiseurs n’acceptent pas la renégociation 

Dans les grandes enseignes, les contrats sont souvent standardisés. La marge de manœuvre dépendra alors de votre profil, de votre emplacement géographique, ou de votre capacité à démontrer la valeur que vous pouvez apporter au réseau.