Relations contractuelles : se prémunir contre les risques de contentieux

La relation entre l’adhérent et la tête de réseau est encadrée, par la loi Doubin notamment, mais le contentieux est parfois inévitable. L’IREF et ses deux avocats experts font le tour des affaires qui ont marqué ces derniers mois, et font état de quelques pistes pour éviter ces conflits. 

 La loi Doubin, texte elliptique 

Le franchiseur doit fournir, préalablement à la signature du contrat, un document donnant des informations sincères qui permettent au franchisé de s’engager en toute connaissance de cause. Ce document d’information précontractuelle (DIP) doit notamment faire état de l’ancienneté de l’entreprise, des perspectives de développement du marché, de la durée du contrat, des conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat, et des champs d’exclusivité. « La loi Doubin1, qui régit les contrats de distribution, est très elliptique, elle laisse le champ totalement ouvert à de nombreux contentieux », déplore Pierre-Olivier Villain, avocat spécialiste du droit de la franchise et membre de l’IREF. « Elle impose la communication d’informations sincères au candidat : c’est un angle d’attaque rêvé, car il est facile de trouver une faille dans les documents fournis par la tête de réseau », ajoute Jean-Philippe Chenard, avocat spécialiste du droit de la distribution et expert auprès de l’IREF. 

Le défaut d’informations précontractuelles 

Bien que le juge ne soit jamais tenu par la jurisprudence, celle-ci sert à préciser les articles de loi, et peut amener à de nouvelles normes législatives. Voici trois exemples de contentieux qui pourraient redessiner les relations franchiseur-franchisé.  

L’ÉCART DE RENTABILITÉ 

Les comptes prévisionnels ne figurent pas parmi les informations que le franchiseur doit communiquer au franchisé avant la conclusion du contrat mais, s’il décide de les lui fournir, ils doivent être sérieux. Le 31 janvier 20122, la Cour de cassation a admis le manque à gagner d’un franchisé Casino France, en statuant qu’il existait un écart non négligeable entre le chiffre d’affaires prévu et celui effectivement réalisé. Elle a jugé que le franchiseur avait engagé sa responsabilité en mettant à disposition du franchisé des comptes prévisionnels. Le franchiseur n’est donc pas tenu ici à une simple obligation de moyens : sa responsabilité peut être engagée dans le cas d’un écart non négligeable, et pas seulement si les prévisions fournies sont visiblement erronées. Autrement dit, l’absence de sérieux des comptes communiqués peut suffire, sans que le franchisé doive établir l’intention du franchiseur de le tromper sur la rentabilité de l’entreprise. 

L’ERREUR SUBSTANTIELLE 

Dans un arrêt du 4 octobre 20113, la Cour de cassation décidait de l’annulation d’un contrat de franchise Bureau Center pour erreur substantielle du franchisé sur l’évaluation de la rentabilité potentielle de l’activité. Dans cette affaire, la cour n’a pas tenu compte de l’existence ou non d’un manquement du franchiseur à son obligation d’information précontractuelle. Elle a considéré que la non-atteinte des prévisions de chiffres d’affaires par le franchisé démontrait que le consentement de ce dernier avait été déterminé par une « erreur substantielle sur la rentabilité de l’activité entreprise ». Si l’on suit ce raisonnement, la seule non-atteinte des prévisions du franchiseur peut être considérée comme une erreur du franchisé justifiant l’annulation de ses engagements. 

Camille Prigent 

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1NDLR : la loi Doubin ne se limite pas à la franchise mais régit tous les contrats de distribution. 
2Cour de cassation (Chambre commerciale), 31 janvier 2012, n°11-10.834