Le bail commercial est l’un des piliers juridiques de toute implantation en franchise. Si le concept, la notoriété ou encore l’assistance du franchiseur sont au cœur de l’attractivité du modèle, c’est bien le local – et donc le bail – qui cristallise les premières obligations contractuelles du franchisé.
Mal rédigé, mal négocié ou inadapté, un bail commercial peut devenir un véritable boulet financier ou juridique, difficilement corrigeable en cours de route. Voici pourquoi il est essentiel de comprendre les enjeux de ce contrat et d’identifier les pièges les plus courants avant de signer.
Le bail commercial, fondement du projet en franchise
Un bail commercial est un contrat par lequel le propriétaire d’un local (le bailleur) loue un bien immobilier à une entreprise pour y exercer une activité commerciale, industrielle ou artisanale. En contrepartie, le locataire (ou preneur) s’engage à verser un loyer et à respecter un certain nombre d’obligations. Ce contrat est généralement conclu pour une durée de 9 ans, avec une faculté de résiliation triennale pour le preneur.
Dans un contrat de franchise, le local est plus qu’un simple point de vente : il est souvent essentiel à la cohérence du concept (emplacement, agencement, superficie, visibilité, flux de clients…). Le bail commercial conditionne donc la faisabilité et la rentabilité du projet. Il détermine le montant des charges fixes, les possibilités d’aménagement, les conditions de cession ou de résiliation… autant de paramètres qui, mal anticipés, peuvent fragiliser sérieusement le franchisé, voire provoquer l’échec du projet.
Les pièges juridiques les plus fréquents… et comment les éviter
Même si le bail commercial est encadré par les articles L.145-1 et suivants du Code de commerce, de nombreuses clauses restent libres et peuvent jouer en défaveur du franchisé, surtout en l’absence de conseil juridique. Voici les principaux écueils à connaître.
1. Une destination trop restrictive
La clause de destination définit les activités que le franchisé pourra exercer dans le local. Si elle est trop étroite (ex : « vente de glaces artisanales »), elle peut empêcher toute évolution future ou reconversion en cas de sortie du réseau. Une clause plus large (ex : « restauration rapide, vente à emporter, salon de thé ») offre une marge de manœuvre précieuse.
À éviter : signer un bail avec une clause de destination trop ciblée ou sans lien direct avec le concept de franchise.
Conseil : demander une rédaction souple incluant l’activité actuelle et des activités connexes.
2. Une clause de solidarité lors de la cession du bail
De nombreux baux commerciaux comportent une clause de solidarité qui oblige le franchisé cédant à rester garant du paiement des loyers même après avoir quitté les lieux. Ce risque est d’autant plus fort en franchise, où la cession peut intervenir pour cause de changement de vie, reconversion ou départ du réseau.
À éviter : accepter une clause de solidarité perpétuelle.
Conseil : négocier une limitation dans le temps (par exemple 3 ans), comme le prévoit la loi.
3. Un loyer disproportionné
L’un des écueils classiques est de s’engager sur un loyer trop élevé au regard du chiffre d’affaires prévisionnel. Cela peut fragiliser la rentabilité dès le départ.
À éviter : signer sans étude de marché, sans étude de rentabilité ni vérification du prix moyen du m² dans le secteur.
Conseil : demander au franchiseur un comparatif d’autres franchisés et, si possible, la règle de calcul du seuil de rentabilité (loyer/chiffre d’affaires).
4. Des charges et travaux mal répartis
Les baux commerciaux peuvent contenir des clauses qui font peser sur le franchisé des charges anormalement lourdes (ravalement, toiture, travaux de mise aux normes…). Pourtant, la loi Pinel impose désormais une répartition encadrée (article R.145-35 du Code de commerce).
À éviter : accepter un bail qui fait peser l’intégralité des grosses réparations ou des charges de copropriété sur le locataire.
Conseil : vérifier l’annexe jointe au bail (annexe 4-5) qui doit détailler précisément la répartition des charges, travaux et taxes.
5. Une durée inférieure à 9 ans ou un bail précaire mal encadré
Certains bailleurs proposent un bail dérogatoire (ou bail précaire), limité à 3 ans, souvent présenté comme une phase de test. Cela peut convenir pour des franchises saisonnières ou à faibles investissements, mais reste très risqué si de lourds aménagements sont réalisés.
À éviter : investir lourdement dans un local sous bail précaire sans perspectives de renouvellement.
Conseil : en cas de bail précaire, prévoir une clause de priorité pour un bail commercial classique au terme de la période.
6. Une clause interdisant la sous-location ou la cession
La cession du droit au bail est souvent vitale en cas de revente de l’entreprise. Or certains baux interdisent totalement cette cession ou la conditionnent à l’accord du bailleur, voire du franchiseur, ce qui complique fortement les possibilités de sortie.
À éviter : signer un bail qui interdit la cession du bail « hors fonds de commerce » ou la sous-location sans conditions raisonnables.
Conseil : obtenir l’accord de principe du bailleur pour toute cession liée à un changement de franchisé, sous réserve de solvabilité du repreneur.
7. Des clauses de renouvellement ambiguës ou défavorables
Le droit au renouvellement du bail est un acquis fondamental du statut des baux commerciaux. Toutefois, certaines clauses peuvent le rendre incertain, notamment lorsque le bail n’est pas enregistré ou si l’activité exercée ne correspond pas à la clause de destination.
À éviter : ne pas faire enregistrer le bail ou exercer une activité en dehors de sa destination.
Conseil : s’assurer que toutes les conditions de renouvellement sont réunies dès le départ.
Bien choisir son local et signer dans les meilleures conditions : conseils pratiques
Le choix du local est une étape décisive, souvent accompagnée par le franchiseur, mais pas toujours. Certains réseaux laissent leurs franchisés autonomes, d’autres exigent leur validation, voire imposent des emplacements spécifiques négociés avec des bailleurs partenaires.
Le rôle du franchiseur : accompagnement ou autonomie ?
Il est essentiel de clarifier dès le départ le rôle du franchiseur dans la recherche du local. Ce point figure généralement dans le Document d’Information Précontractuel (DIP). Certains réseaux proposent un accompagnement complet (étude de marché, négociation, validation juridique), tandis que d’autres se contentent de donner leur avis.
Implication du franchiseur | Description |
Forte implication | Le franchiseur sélectionne le local, négocie le bail, voire signe un bail principal qu’il sous-loue (cas fréquent dans la restauration ou la distribution). |
Implication modérée | Le franchiseur accompagne dans la recherche et valide l’emplacement, sans signer lui-même le bail. |
Autonomie totale | Le franchisé choisit seul le local, avec simple validation technique du franchiseur. |
Conseil : poser des questions précises au franchiseur avant de signer (Qui cherche le local ? Qui signe le bail ? Que se passe-t-il en cas de désaccord sur le choix ?).
Vérifications essentielles avant signature
Avant de signer un bail commercial, le franchisé doit :
- Faire une étude de marché locale : comprendre le flux, la zone de chalandise, les concurrents, l’accessibilité.
- Analyser le bail avec un avocat spécialisé : un bail commercial engage souvent pour plus de 9 ans, et chaque clause a des implications fortes.
- Demander les diagnostics techniques et les procès-verbaux d’AG de copropriété : pour éviter les mauvaises surprises (travaux à venir, litiges…).
Enfin, il est recommandé de prévoir un délai suffisant entre la signature du bail et l’ouverture du point de vente, pour permettre les travaux d’aménagement et les démarches administratives (autorisations, assurances, recrutement…).
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