Franchisé vs Franchiseur : comment gérer un litige sans casser la relation commerciale ? 

Dans le monde de la franchise, la relation entre un franchiseur et un franchisé ressemble à bien des égards à celle d’un mariage. Il y a une promesse initiale, un contrat, une collaboration à long terme, des engagements mutuels, des espoirs communs… mais aussi, parfois, des déceptions. Et comme dans un couple, des tensions peuvent surgir. 

Sauf qu’en franchise, ces tensions ne touchent pas seulement l’humain : elles impactent aussi le chiffre d’affaires, l’image de marque, le réseau tout entier. Gérer un litige sans casser cette relation commerciale est donc non seulement possible, mais essentiel pour la pérennité de chaque partie. Encore faut-il bien comprendre les enjeux, les causes de conflits et les solutions disponibles. 

Une relation symbiotique fondée sur la confiance… mais sous haute tension 

La franchise repose sur une forme de symbiose juridique et économique. Le franchiseur apporte une marque, un savoir-faire, une notoriété, un accompagnement. Le franchisé investit dans un projet, applique le concept, développe le chiffre d’affaires localement. L’un ne réussit pas sans l’autre. 

Mais cette relation asymétrique – le franchiseur fixe les règles, le franchisé les applique – peut rapidement devenir un terrain de frustrations. D’un côté, le franchisé attend un accompagnement à la hauteur des promesses. De l’autre, le franchiseur attend une application rigoureuse du concept et un respect strict du contrat. Si ces attentes sont mal alignées ou mal communiquées, la relation se tend. 

Principaux points de tension entre franchisé et franchiseur 

Les litiges entre franchiseur et franchisé naissent rarement de conflits isolés. Ils sont souvent l’aboutissement d’un enchaînement de frustrations. Voici les causes les plus fréquentes observées dans les réseaux : 

Source de conflit Explication 
Manque d’accompagnement du franchiseur Le franchisé estime ne pas recevoir la formation, le support ou les outils promis. 
Non-respect du savoir-faire par le franchisé Le franchiseur reproche au franchisé de ne pas appliquer les standards du réseau. 
Désaccord sur la communication locale/nationale Le franchisé ne comprend pas l’usage de la redevance publicitaire ou les choix de campagnes. 
Zone de chalandise et cannibalisation Le franchisé se sent menacé par l’implantation d’un autre point de vente trop proche. 
Évolution unilatérale du concept Le franchiseur impose des changements (logiciel, identité visuelle, produits) sans concertation. 
Résultats économiques en deçà des prévisions Le franchisé estime avoir été mal informé ou trompé lors du recrutement. 
Litiges financiers Retards de paiement, redevances contestées, investissements imposés : l’argent est souvent au cœur des tensions. 

Les conséquences d’une rupture brutale : pertes, procès et réputation 

Quand le litige dégénère au point de provoquer une rupture de la relation commerciale – résiliation du contrat, non-renouvellement, fermeture prématurée – les conséquences peuvent être lourdes, pour les deux parties. 

Pour le franchisé, cela signifie la perte d’un fonds de commerce parfois lourdement financé, une reconversion difficile, et parfois une clause de non-concurrence qui l’empêche de rebondir dans sa zone géographique. Sans compter les éventuelles poursuites pour rupture abusive ou non-respect du contrat. 

Pour le franchiseur, chaque rupture est un risque pour l’image de la marque. Si le franchisé déçu fait part publiquement de son mécontentement (forums, presse, candidats à la franchise), cela peut nuire au recrutement et fragiliser le réseau. De plus, une rupture peut créer un vide territorial, désorganiser la logistique ou provoquer un effet domino dans la région. 

Surtout, une procédure judiciaire est coûteuse, longue, et rarement favorable à une image de réseau soudé. 

Préserver la relation : un enjeu stratégique 

La franchise n’est pas un modèle figé, mais une collaboration dynamique. À ce titre, il est non seulement possible, mais souhaitable, de gérer un litige sans aller jusqu’à la rupture. Maintenir le lien, même dans la difficulté, peut aboutir à des solutions gagnant-gagnant. 

Conserver une relation commerciale permet au franchisé de continuer à exploiter son activité sous une enseigne reconnue, tout en évoluant dans un cadre contractualisé. Pour le franchiseur, cela permet d’éviter les frais de contentieux, de maintenir la cohérence du réseau et de faire preuve de professionnalisme face aux autres membres. 

Conseils pour gérer un litige sans casser la relation commerciale 

Face à un différend, l’objectif n’est pas de nier le problème mais de désamorcer l’escalade. Plusieurs étapes clés aident à préserver la relation tout en réglant le contentieux : 

1. Communiquer rapidement et de manière constructive 


Il est essentiel de ne pas laisser un malentendu s’envenimer. La première étape est d’ouvrir un dialogue, factuel et apaisé, pour exposer les griefs. Cela peut se faire lors d’un entretien formel, d’une réunion en visio, ou par écrit. Le ton employé est crucial : il faut viser la résolution, pas l’accusation. 

2. Recourir à la médiation ou à la conciliation 


Les réseaux bien structurés prévoient souvent un recours à la médiation dans leur contrat. Il peut s’agir d’une clause de conciliation préalable, ou de la saisine d’une instance spécialisée comme la Commission Paritaire de la Franchise (mise en place par la Fédération Française de la Franchise). Cette étape permet d’ouvrir la discussion avec un tiers neutre, avant d’envisager un contentieux. 

3. S’appuyer sur le DIP et le contrat 


En cas de litige, il est utile de relire les documents de base : le Document d’Information Précontractuel (DIP) et le contrat de franchise. Ces textes permettent de replacer chaque partie face à ses engagements et peuvent éviter certaines dérives émotionnelles. 

4. Faire appel à un conseil extérieur spécialisé 


Avocats en droit de la franchise, experts du secteur, consultants indépendants : ces professionnels peuvent accompagner les deux parties dans une démarche de résolution. Leur regard objectif permet souvent de sortir d’un blocage. 

5. Proposer des ajustements contractuels 


Dans certains cas, une solution passe par une adaptation : modifier une clause, rééchelonner une dette, accorder un délai. Si les deux parties y trouvent leur intérêt, un avenant peut préserver la collaboration. 

6. Séparer le litige du reste de la relation 


Un conflit ponctuel ne doit pas contaminer l’ensemble de la relation. Il est important de continuer à travailler ensemble sur les autres volets du contrat, même pendant le traitement du litige. 

Quand faut-il envisager une séparation ? 

Malgré tous les efforts, certains conflits sont irréconciliables. Dans ce cas, une séparation amiable est toujours préférable à une rupture brutale et conflictuelle. Résilier d’un commun accord, avec une négociation équitable sur les conditions de sortie, permet de limiter les dégâts économiques, juridiques et d’image. 

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