Comment protéger sa marque et son concept en franchise ? 

Créer un réseau de franchise, c’est faire le pari de la croissance par la duplication d’un modèle entrepreneurial qui a fait ses preuves. Mais c’est aussi partager son concept, son savoir-faire et surtout sa marque avec des partenaires juridiquement indépendants. Cette mise à disposition n’est pas sans risque. 

Pour le franchiseur, protéger son concept et sa marque est une condition sine qua non à la pérennité du réseau et à la maîtrise de son développement. Encore faut-il savoir quels sont les leviers juridiques, contractuels et stratégiques à activer pour limiter les abus, se prémunir des détournements et sécuriser les fondations de son enseigne. 

Franchise : un transfert de savoir-faire qui n’est pas sans risque 

La franchise repose sur un principe de confiance, mais aussi sur des mécanismes juridiques encadrés. En contrepartie d’un droit d’entrée et de redevances, le franchiseur met à disposition de ses franchisés un concept éprouvé, un accompagnement, un savoir-faire et surtout une marque reconnue. Ce transfert temporaire d’éléments immatériels crée une relation de dépendance et de vulnérabilité pour le franchiseur

Les principaux risques auxquels il est exposé sont : 

  • la contrefaçon ou l’utilisation non autorisée de la marque en dehors du réseau ; 
  • le plagiat du concept par un franchisé déloyal (par exemple, à l’issue du contrat) ; 
  • la perte de contrôle sur l’image de marque si un franchisé ne respecte pas les standards du réseau ; 
  • la divulgation du savoir-faire à des concurrents ; 

Autrement dit, sans une stratégie de protection solide, un franchiseur peut perdre l’élément central de son avantage concurrentiel. 

Enregistrer et protéger sa marque : la première étape indispensable 

La protection de la marque est la base de tout réseau de franchise. Il est impératif de déposer le nom de l’enseigne ainsi que son logo auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) ou de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) si une expansion internationale est envisagée. 

Le dépôt doit couvrir les bonnes classes de produits et services (selon la classification de Nice), en lien avec l’activité de la franchise. Par exemple, un réseau de restauration rapide devra viser les classes 29, 30 et 43. À noter que le dépôt confère un monopole d’exploitation pour 10 ans, renouvelable indéfiniment. 

En complément, il est recommandé de : 

  • déposer toutes les variantes du logo ou du nom utilisées dans la communication ; 
  • surveiller régulièrement les registres pour détecter d’éventuelles marques concurrentes similaires ; 
  • agir vite en cas d’atteinte à la marque (opposition, action en contrefaçon, etc.). 

Une marque déposée et bien défendue est le meilleur rempart contre l’usurpation. 

Protéger son concept : un enjeu plus complexe mais possible 

Contrairement à la marque, le concept n’est pas une création protégée par un droit de propriété industrielle en tant que tel. Il s’agit d’un ensemble d’éléments souvent immatériels (mise en scène commerciale, agencement des locaux, process, stratégie marketing, etc.) difficile à breveter. Toutefois, plusieurs leviers juridiques permettent de protéger son concept de franchise. 

1. Le secret du savoir-faire 

Le savoir-faire est l’un des piliers du contrat de franchise. Pour bénéficier d’une protection, celui-ci doit être : 

  • secret (non connu du public) ; 
  • substantiel (utile à l’exploitation) ; 
  • identifié (formalisé dans des manuels ou procédures internes). 

Il est crucial de formaliser ce savoir-faire dans un manuel opératoire confidentiel remis aux franchisés uniquement après signature du contrat. Ce manuel est souvent protégé par une clause de confidentialité. 

2. Le droit d’auteur 

Certains éléments du concept peuvent relever du droit d’auteur, comme l’agencement d’un point de vente, une charte graphique, un slogan ou encore une méthode pédagogique. Pour être protégés, ces éléments doivent présenter une originalité certaine. 

Il est alors recommandé de conserver des preuves de création (brouillons, dépôts à l’APP, constats d’huissier) pour pouvoir faire valoir ses droits en cas de copie. 

3. Les dessins et modèles 

Les éléments visuels du concept (mobilier, packaging, uniformes) peuvent être protégés par le biais d’un dépôt de dessin ou modèle à l’INPI ou à l’EUIPO. Ce titre de propriété industrielle permet d’interdire toute copie ou reproduction sans autorisation. 

Le contrat de franchise : un outil de protection à ne pas négliger 

Le contrat de franchise est la pierre angulaire de la relation franchiseur-franchisé. Bien rédigé, il permet d’encadrer l’utilisation de la marque, la transmission du savoir-faire, mais aussi de prévenir les comportements déloyaux. Il doit inclure des clauses spécifiques de protection. 

Parmi les clauses essentielles à insérer : 

Clause Objectif Portée 
Clause de confidentialité Empêcher la divulgation du savoir-faire Pendant toute la durée du contrat et plusieurs années après sa fin 
Clause de non-concurrence Interdire au franchisé d’exploiter un concept similaire Pendant et après le contrat, dans une limite raisonnable 
Clause de non-affiliation Empêcher le franchisé d’adhérer à un réseau concurrent Durant le contrat 
Clause de propriété intellectuelle Encadrer l’usage de la marque et interdire toute appropriation Exige la restitution des éléments à la fin du contrat 
Clause pénale Prévoir une sanction financière en cas de non-respect des obligations Agit comme un levier dissuasif 

Ces clauses doivent être rédigées avec l’aide d’un avocat spécialisé, car leur validité dépend du respect de certaines conditions (durée, proportionnalité, territorialité…). 

Protéger aussi son savoir-faire par des moyens techniques et humains 

Outre les protections juridiques, la protection du concept passe aussi par des pratiques rigoureuses dans la gestion du réseau. Cela suppose : 

  • une sélection rigoureuse des franchisés (profil, motivations, expérience) ; 
  • un accompagnement constant pour s’assurer du respect des standards ; 
  • des visites régulières sur site et des audits internes ; 
  • la mise à jour régulière du manuel opératoire pour maintenir le caractère secret et évolutif du savoir-faire. 

La protection du concept ne se décrète pas : elle se construit au quotidien, dans la gestion de la relation contractuelle et humaine avec les membres du réseau. 

Surveiller et agir : une vigilance constante pour se prémunir des abus 

Même avec un cadre contractuel bien pensé, le franchiseur ne peut pas se reposer uniquement sur ses contrats. Il doit veiller activement à l’utilisation de sa marque et de son concept dans et en dehors du réseau. 

Cela passe notamment par : 

  • une veille concurrentielle pour détecter d’éventuelles copies ou contrefaçons ; 
  • une surveillance des anciennes implantations (surtout en cas de fin de contrat) ; 
  • des procédures internes en cas de manquement grave d’un franchisé ; 
  • un recours au référé pour faire cesser rapidement une atteinte. 

En cas de litige, les tribunaux français peuvent condamner un ancien franchisé pour concurrence déloyale ou parasitisme s’il exploite un concept trop similaire sans droit. 

Voici un tableau récapitulatif des outils à mobiliser : 

Élément à protéger Moyen juridique ou pratique Niveau de protection 
Marque Dépôt INPI/EUIPO, clause d’usage dans le contrat Fort 
Savoir-faire Secret, manuel opératoire, clause de confidentialité Moyen à fort selon le suivi 
Concept Contrat de franchise, droits d’auteur, dessins et modèles Variable selon les cas 
Image de marque Contrôle du réseau, audits, charte qualité Essentiel mais informel 
Réseau Clauses de non-concurrence et non-affiliation Fort si bien rédigé 

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