Céder son point de vente franchisé : quelles clauses contractuelles anticiper ? 

Dans le monde de la franchise, céder son point de vente n’est jamais une opération anodine. En effet, le contrat de franchise repose sur une relation contractuelle bien particulière, fortement personnalisée, qui ne laisse que peu de place à l’improvisation. Dès lors qu’un franchisé envisage de vendre son entreprise, il doit faire face à une série d’obligations juridiques, parmi lesquelles les clauses spécifiques de son contrat de franchise

Pour éviter les mauvaises surprises au moment de la cession, mieux vaut anticiper, dès la signature du contrat initial, les conditions dans lesquelles une telle opération pourra se dérouler. Voici ce qu’il faut savoir. 

Une relation fondée sur l’intuitu personae 

La relation entre un franchiseur et un franchisé est encadrée par un contrat bilatéral, souvent qualifié d’intuitu personae. Cette expression juridique signifie que le contrat est conclu en considération de la personne du franchisé. Le franchiseur accepte de transmettre son savoir-faire, son image de marque et son accompagnement à une personne précise, jugée compétente, impliquée et conforme à son concept. 

Cela a deux conséquences majeures : 

  • D’une part, le franchisé ne peut pas librement céder son entreprise comme n’importe quel commerçant. La cession de son point de vente, même s’il en est juridiquement le propriétaire, est encadrée par des clauses contractuelles spécifiques. 
  • D’autre part, le franchiseur dispose en général d’un droit de regard sur l’identité du repreneur, qu’il peut accepter ou refuser selon des critères définis à l’avance dans le contrat. 

Pourquoi un franchisé souhaite-t-il céder son point de vente ? 

Cela ne signifie pour autant pas qu’un franchisé ne puisse pas céder son point de vente. En fait, plusieurs raisons peuvent l’amener un franchisé à envisager cette possibilité. Certaines relèvent de considérations personnelles : un départ à la retraite, une reconversion, des raisons de santé, ou encore un changement de région. D’autres sont d’ordre économique : un point de vente peu rentable, des perspectives de croissance limitées, ou au contraire, une opportunité de vendre à bon prix un emplacement stratégique bien valorisé. 

Dans tous les cas, le franchisé est libre de céder son fonds de commerce, son droit au bail ou ses parts sociales, sous réserve du respect de deux conditions fondamentales : 

  1. La cession ne doit pas contrevenir aux obligations du contrat de franchise en cours (notamment s’agissant de sa durée et des clauses d’encadrement de la cession). 
  1. Le repreneur devra obtenir l’agrément du franchiseur pour intégrer le réseau et poursuivre l’activité sous l’enseigne. 

Quelles clauses peuvent limiter ou encadrer la cession d’un point de vente franchisé ? 

Le contrat de franchise contient généralement un ensemble de clauses qui encadrent les modalités de cession. Ces clauses, légales et valables juridiquement, visent à préserver la cohérence et la qualité du réseau, mais peuvent aussi représenter un frein ou une source de négociation lors d’un projet de vente. 

1. La clause d’agrément ou clause d’intuitu personae 

C’est la clause la plus fréquente. Elle prévoit que la cession du point de vente est subordonnée à l’approbation préalable du franchiseur. Autrement dit, le franchisé ne peut pas vendre son entreprise à n’importe qui sans avoir obtenu l’accord écrit du franchiseur

Le franchiseur peut refuser l’agrément d’un candidat à la reprise, mais ce refus doit être motivé par des raisons objectives, comme l’absence d’expérience dans le domaine, une mauvaise santé financière, ou le non-respect des critères du réseau. Un refus arbitraire ou abusif peut être contesté devant les tribunaux. 

2. La clause de préemption 

Autre clause fréquente : celle de préemption. Elle permet au franchiseur d’avoir la priorité pour racheter le point de vente aux conditions proposées par un tiers. 

En pratique, cela signifie que si un franchisé reçoit une offre sérieuse d’un acheteur extérieur, il doit la notifier au franchiseur, qui dispose d’un délai (souvent 30 à 60 jours) pour se substituer à cet acquéreur, à conditions égales. Cette clause est valable en droit, tant qu’elle n’empêche pas de façon excessive le franchisé de vendre son entreprise. 

3. La clause de non-concurrence post-cession 

Certains contrats incluent une clause de non-concurrence, qui interdit au franchisé cédant d’ouvrir ou de rejoindre une activité concurrente pendant une certaine durée et dans une zone définie, après la cession. Cette clause vise à protéger le savoir-faire du réseau et à éviter que l’ancien franchisé utilise l’expérience acquise pour concurrencer le réseau. 

Elle doit cependant être limitée dans le temps (généralement 1 à 2 ans), dans l’espace (la zone de chalandise du point de vente) et proportionnée à la protection recherchée, sans quoi elle pourrait être annulée par un juge. 

4. La clause d’exclusivité territoriale 

Lorsque le contrat prévoit une exclusivité territoriale au profit du franchisé cédant, le repreneur devra en bénéficier à l’identique ou faire l’objet d’un avenant spécifique si le franchiseur entend réorganiser les zones. Cela peut affecter la valorisation du point de vente. 

Comment anticiper ces clauses au moment de la signature du contrat ? 

L’erreur classique de nombreux franchisés est de ne pas porter suffisamment d’attention aux clauses de cession lors de la signature du contrat de franchise. Pourtant, une sortie du réseau peut survenir plus tôt que prévu, et les conditions de cession ont un impact direct sur la liquidité de l’investissement, autrement dit sur la capacité à revendre l’entreprise dans de bonnes conditions. 

Voici quelques conseils pour anticiper et négocier au mieux ces clauses : 

Demander des précisions sur la clause d’agrément 

Il est important de faire préciser les critères d’agrément d’un futur repreneur dans le contrat ou dans un document annexe. Plus ces critères sont objectifs (ancienneté dans le secteur, formation obligatoire, apport minimum…), plus le franchisé sera en sécurité au moment de la cession. 

Limiter la portée de la clause de préemption 

Il est possible de négocier que la clause de préemption ne s’applique que dans certains cas : par exemple uniquement pour une cession à un tiers extérieur au réseau, mais pas à un autre franchisé déjà agréé. Il est aussi utile de faire réduire le délai d’exercice du droit de préemption, souvent jugé trop long. 

Encadrer la clause de non-concurrence 

Cette clause doit être proportionnée, clairement définie et justifiée. Si elle s’applique au-delà de 12 mois ou sur un territoire étendu, il est essentiel d’en discuter avant signature, ou de prévoir une contrepartie financière (comme cela se fait dans certains contrats). 

Obtenir une copie-type de l’avenant de reprise 

En cas de cession, un avenant au contrat de franchise devra être signé entre le repreneur et le franchiseur. Demandez dès le départ un modèle de cet avenant, pour savoir dans quelles conditions le contrat pourra être transféré et si certaines clauses seront révisées. 

Ce que dit la jurisprudence 

La jurisprudence française a confirmé à plusieurs reprises la validité des clauses d’agrément et de préemption, dès lors qu’elles n’entravent pas de manière abusive la liberté de céder un fonds de commerce. Par exemple, la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 6 février 2002) a reconnu qu’un refus d’agrément motivé par des éléments objectifs (expérience insuffisante du repreneur) n’était pas abusif. 

À l’inverse, un refus non justifié ou une clause interdisant toute cession pendant une durée excessive peuvent être sanctionnés pour atteinte à la liberté du commerce. 

Tableau récapitulatif des clauses à surveiller 

Clause Fonction Risques pour le franchisé Conseils 
Clause d’agrément Le franchiseur doit approuver le repreneur Blocage possible de la cession Préciser les critères d’acceptation 
Clause de préemption Le franchiseur peut acheter en priorité le point de vente Ralentit la vente, limite les marges de négociation Réduire la durée et limiter les cas d’application 
Clause de non-concurrence Interdit au cédant de concurrencer le réseau après la vente Empêche de se réinstaller dans le secteur Limiter la durée et la zone, prévoir une contrepartie 
Clause d’exclusivité territoriale Garantit un secteur exclusif au franchisé Peut être remise en cause lors de la cession Vérifier la reconduction de l’exclusivité pour le repreneur 

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