Franchise : comment ajuster ses prix sans heurter l’image de l’enseigne ?

Dans un réseau de franchise, la cohérence tarifaire entre les différents points de vente constitue un facteur clé de succès, tant pour l’image de l’enseigne que pour la fidélité des clients. Mais les réalités économiques varient d’un territoire à l’autre, et les franchisés, commerçants indépendants, doivent parfois adapter leur politique de prix pour préserver leur rentabilité. 

Comment concilier cette liberté entrepreneuriale avec l’harmonie du réseau ? Quels sont les droits et devoirs de chacun en matière de fixation des prix ? Et surtout, comment ajuster ses tarifs sans brouiller l’image de marque ? Voici les réponses. 

Franchise : entre indépendance du franchisé et cohérence réseau 

L’un des fondements juridiques du contrat de franchise est l’indépendance des parties. Le franchiseur n’est ni l’employeur, ni le mandataire de ses franchisés. Ces derniers restent juridiquement des commerçants indépendants, et à ce titre, ils sont libres de fixer leurs prix de vente

Cependant, cette liberté ne peut s’exercer totalement en dehors de la logique de réseau. En effet, l’un des piliers de la franchise est la standardisation de l’offre : un client doit retrouver, d’un point de vente à l’autre, une expérience homogène, tant en termes de produits ou services que de positionnement tarifaire. Une trop grande disparité de prix peut nuire à la lisibilité de la marque et générer une perte de confiance chez les consommateurs. 

Ce fragile équilibre entre autonomie commerciale et cohérence réseau se traduit par des droits et obligations précises, qu’il convient de rappeler. 

Ce que dit la loi : droits et devoirs en matière de prix 

Conformément au droit de la concurrence, et notamment à l’article L420-1 du Code de commerce, il est strictement interdit à un franchiseur d’imposer des prix de revente à ses franchisés. Une telle pratique constituerait une entente illicite susceptible de sanctions financières lourdes de la part de l’Autorité de la concurrence. 

Le franchiseur peut en revanche : 

  • recommander un prix de vente public (PVP) à ses franchisés, 
  • suggérer une politique tarifaire, 
  • communiquer un tarif indicatif dans les documents contractuels ou supports marketing, 
  • imposer des prix dans le cadre d’opérations commerciales ponctuelles, à condition qu’elles soient justifiées par des objectifs promotionnels précis et limitées dans le temps. 

Le franchisé, de son côté, reste libre d’appliquer ces recommandations… ou non. Mais cette liberté s’accompagne d’une responsabilité : celle de ne pas porter atteinte à l’image de l’enseigne ni rompre l’unité du réseau. Une stratégie tarifaire trop agressive ou déconnectée du reste du réseau peut nuire à la perception globale de la marque. 

Règles en matière de prix dans un réseau de franchise : 
Le franchiseur ne peut pas imposer des prix fixes ou minimums. 
Il peut recommander des prix ou organiser des promotions ponctuelles. 
Le franchisé fixe librement ses prix mais doit préserver la cohérence du réseau. 

Pourquoi un franchisé peut avoir besoin d’ajuster ses prix 

Dans les faits, un franchisé peut être confronté à de nombreuses raisons légitimes de vouloir adapter ses prix à son environnement local. 

La première de ces raisons est la réalité concurrentielle : dans certaines zones, les clients sont exposés à des prix plus bas pratiqués par d’autres enseignes similaires. Ne pas s’aligner peut représenter un frein à la captation de clientèle. 

La structure de coûts peut également varier considérablement d’un point de vente à l’autre : loyers commerciaux plus élevés, masse salariale plus importante, fiscalité locale différente… Autant d’éléments qui peuvent contraindre un franchisé à ajuster sa marge pour maintenir la viabilité de son activité. 

Enfin, le positionnement stratégique local peut justifier des prix différents. Un point de vente situé dans un quartier premium ou une station touristique pourra pratiquer des tarifs plus élevés, à condition de proposer une valeur perçue équivalente. 

Dans tous les cas, il est impératif que ces ajustements soient réfléchis, cohérents avec la promesse de l’enseigne, et clairement expliqués aux clients. 

Comment ajuster ses prix sans heurter l’image de l’enseigne 

L’ajustement tarifaire est un levier délicat à manier dans un réseau de franchise. Pour qu’il n’altère ni l’unité du réseau ni l’image de marque, certaines précautions doivent être prises. 

1. Échanger en amont avec le franchiseur 

Avant toute modification significative de sa grille tarifaire, un franchisé a tout intérêt à consulter son franchiseur. Ce dernier pourra apporter un éclairage sur la stratégie de marque, partager des données comparatives sur les autres franchisés et, parfois, valider une adaptation spécifique à une zone géographique donnée. 

Ce dialogue permet aussi d’éviter les tensions juridiques, en montrant que le franchisé agit de bonne foi et dans l’intérêt commun. 

2. Rester dans l’esprit de gamme de l’enseigne 

Modifier ses prix ne signifie pas rompre avec l’image de marque. Il est essentiel que l’ajustement reste dans une fourchette cohérente avec le positionnement général du réseau. Une enseigne perçue comme accessible ne doit pas afficher des écarts de +30 % sur une offre standard dans un point de vente, au risque de brouiller son message marketing global. 

Le franchisé peut privilégier des stratégies plus fines : moduler certains prix seulement (produits d’appel, options complémentaires), proposer des packs ou des offres personnalisées, jouer sur les services annexes (livraison, installation…). 

3. Justifier les écarts auprès des clients 

Dans un univers où la transparence est devenue une exigence, les consommateurs tolèrent mieux les variations de prix lorsqu’elles sont expliquées. Le franchisé peut valoriser un service différenciant, une qualité supérieure ou des charges spécifiques liées à la localisation. 

Par exemple, un salon de coiffure franchisé implanté en centre-ville peut afficher un tarif légèrement supérieur à celui d’un point de vente en périphérie, tout en mettant en avant son accessibilité, son cadre haut de gamme ou ses horaires élargis. 

4. Surveiller les retours clients et les comparaisons sur Internet 

À l’ère des avis en ligne et des comparateurs de prix, les écarts tarifaires visibles entre deux points de vente d’une même enseigne peuvent rapidement faire polémique. Il est donc crucial pour le franchisé d’assurer une veille sur sa e-réputation, de répondre aux commentaires et, si besoin, de réajuster sa stratégie. 

5. Impliquer le réseau dans une réflexion tarifaire commune 

Enfin, le meilleur moyen d’éviter les dissonances reste de favoriser une démarche collaborative. De nombreux réseaux de franchise mettent en place des commissions de franchisés ou des groupes de travail chargés d’actualiser régulièrement la politique tarifaire, en prenant en compte les réalités terrain. Cette co-construction permet une meilleure acceptation des recommandations de prix, et renforce le sentiment d’appartenance au réseau. 

Bonnes pratiques pour ajuster ses prix sans nuire à l’image : 
Consulter le franchiseur en amont 
Rester cohérent avec le positionnement de l’enseigne 
Justifier les écarts auprès des clients 
Surveiller sa réputation en ligne 
Participer à une démarche collective de fixation des prix 

Ce qu’il faut retenir 

La fixation des prix en franchise repose sur un équilibre subtil entre liberté du franchisé et homogénéité du réseau. Si le franchiseur ne peut juridiquement imposer de tarifs, il peut en recommander pour garantir la cohérence de l’enseigne. De leur côté, les franchisés peuvent adapter leurs prix à condition de préserver l’image de marque et la confiance des consommateurs. 

Un ajustement bien pensé, fondé sur des données locales solides, expliqué clairement aux clients et validé par le réseau, peut même renforcer la compétitivité de l’enseigne. Encore faut-il que cette démarche soit menée avec transparence, cohérence… et dans l’intérêt commun. 

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